Dans les précédents articles de notre série, nous vous donnions plusieurs conseils pour :
– augmenter la réserve hydrique du sol,
– limiter les pertes en eau,
– améliorer l’absorption d’eau de la plante.
Derniers leviers d’action pour combattre la sècheresse et les trop fortes chaleurs : la diminution de la sensibilité de la culture, et l’augmentation de sa résilience.
Avec le changement climatique, les cultures doivent faire face à des stress différents et parfois contraires. Dans ces conditions, privilégier une résilience globale de la plante pour assurer un rendement est l’une des solutions à envisager.
Qu’est-ce que la résilience écologique ?
La résilience écologique est la capacité d’un système vivant à retrouver les structures et les fonctions de son état initial après une perturbation : différents processus d’adaptation et de reconstruction permettent d’atteindre un nouvel équilibre.
La résilience d’une plante comporte deux aspects :
– sa tolérance à résister à un stress,
– sa capacité à récupérer du stress.
S’inspirer des territoires avec des conditions climatiques plus sèches et chaudes
Les conditions climatiques des territoires européens du nord s’apparentent aujourd’hui aux conditions climatiques normalement associées au sud et à l’est de l’Europe. Dès lors, les pratiques agricoles de ces régions, depuis longtemps soumises à des stress hydriques et thermiques, deviennent une source d’inspiration.
La résistance au stress thermique est généralement génétique et fait appel à de nombreux mécanismes d’adaptations à la sécheresse. La pluralité de ces mécanismes d’adaptations est potentiellement la raison pour laquelle les variétés rustiques (non sélectionnées pour un ou plusieurs traits) sont plus résistantes à la sécheresse que les variétés sélectionnées dans un objectif principal de productivité (difficulté de sélectionner un trait génétique sans affecter l’expression d’autres traits génétiques).
Cultiver de nouvelles variétés ou cultures comme le sorgho, la luzerne, l’orge est une des possibilités : ces cultures sont naturellement moins exigeantes en eau ou plus résistantes à la sécheresse (semencemag.fr). La luzerne, tout comme le sorgho, est plus résistante au stress hydrique du fait de son enracinement profond et de ses plus faibles besoins en eau. A titre de comparaison, le sorgho consommerait ainsi environ 30% d’eau en moins que le maïs (vert.eco ; SillonBelge.be).
Dans le cas des céréales à pailles, certaines variétés aujourd’hui cultivées ont été sélectionnées dans un objectif de productivité via une sélection de la réduction de la taille des chaumes (variétés à paille courte). Cette sélection s’est faite au profit de la production de grains, mais au détriment de la taille du système racinaire qui est fortement corrélé à la taille des chaumes. Elle a ainsi accru la sensibilité de ces variétés au stress hydrique. Ces variétés à pailles courtes sont adaptées pour des conditions de cultures favorables tout au long du développement, mais sont très sensibles dès qu’un stress hydrique est présent (Monneveux Yves Demarly, Noureddine Chalbi).
Avancer les dates de semis pour les cultures de printemps est une autre solution. Cela permet aux cultures d’éviter les coups de chauds pendant les stades critiques de développement– voir précédent article sur la réserve hydrique des sols.
Cette technique d’évitement du stress hydrique est toutefois non garantie du fait de la variabilité de scénario des stress hydriques ces dernières années.
L’avancement des dates de semis pour les céréales d’hiver peut également être envisagé afin d’éviter les épisodes de sècheresses en fin de cycle. Cependant, si la sècheresse est particulièrement tôt en saison (en 2022 par exemple), il sera malheureusement impossible de l’éviter, même en avançant les dates de semis. Il faudra également prendre en compte le risque de gelée tardive au printemps, tout aussi redoutable pour les cultures. (perspectives-agricoles.com)
Le choix de variétés plus précoces pour éviter les stress hydriques, notamment lors de la phase sensible de la mise en place des grains, est l’une des possibilités d’adaptation au changement climatique. Ce changement de variété s’accompagnera de fait d’une moindre consommation d’eau par la culture.
Des mesures réalisées par Arvalis au Magneraud en modalité irriguée à 100 % des besoins de types de précocité adjacents de variétés de maïs ont montré des écarts de consommation d’eau, entre la floraison et la maturité, de 25 à 30 mm (soit près d’un tour d’irrigation !). Cette moindre transpiration, en cultivant une variété plus précoce, a eu pour contrepartie des rendements inférieurs de 8 à 10 q/ha en moyenne. La moindre consommation d’eau entraine une perte de rendement relative à la durée de croissance. (perspectives-agricoles)
Il est également possible de prévenir et aider les plantes à résister ou récupérer face aux stress hydriques par la biostimulation.
Augmenter la tolérance et la résilience des plantes en utilisant des biostimulants
Pour comprendre le fonctionnement des biostimulants, il faut d’abord savoir que la plante peut avoir recours à différentes stratégies pour résister au stress :
• L’évitement : l’objectif est de maintenir les conditions optimales au sein de la plante en compensant par un métabolisme plus fort. La plante va chercher à absorber plus d’eau par exemple, elle augmentera donc sa croissance racinaire.
• La tolérance : la plante en conditions de stress s’adapte, elle règle tout son métabolisme pour être en conditions correctes, sans être optimales.
D’après le règlement européen :
« Les biostimulants sont des produits qui stimulent les processus de nutrition des végétaux indépendamment des éléments qu’il contient pour améliorer une des caractéristiques suivantes :
• La tolérance aux stress abiotiques
• L’efficacité d’utilisation des éléments nutritifs
• Les caractéristiques qualitatives
• La disponibilité des éléments nutritifs confinés dans le sol ou la rhizosphère »
(UE 2019/1009, 16 juillet 2022)
Les biostimulants ne sont pas spécifiquement des éléments nutritifs : ils agissent sur la tolérance des organismes face à des stress abiotiques (comme la sécheresse).
En observant des plantes dans des conditions de vie particulièrement stressantes, il est possible de connaître les mécanismes activés et de s’en inspirer. Les algues marines, organismes soumis à des conditions climatiques changeantes et différentes au sein de la même journée, sont reconnues pour leurs capacités adaptatives en termes de stress (hydrique, oxygène, pression de l’eau, salinité…). C’est l’une des raisons pour lesquelles la sélection avisée d’extraits d’algues est la base de nombreux biostimulants.
Pour aller encore plus loin :
Focus au Centre Mondial de l’Innovation Roullier
Travaux sur la tolérance :
Il existe deux types de tolérance de la plante à un stress : la tolérance basale et la tolérance acquise.
Ces tolérances peuvent être améliorées.
– La tolérance basale est la tolérance de la plante à un stress lors de sa première apparition. La tolérance basale est augmentée avec un biostimulant lorsque le stress apparaît.
– Le principe de la tolérance acquise repose sur l’effet mémoire du stress. Lors du premier stress la plante va générer un certain nombre de molécules qui vont perdurer, et qui auront donc un effet lorsque le stress apparaîtra à nouveau. Notre stratégie agronomique va donc être d’appliquer un biostimulant qui va mimer les effets du stress pour créer en amont lesdites molécules. Il y a également un intérêt au cumul dans cette stimulation : on traite la graine avec le biostimulant puis on traite la plante. L’effet mémoire n’en sera que plus puissant.
Dans le cas d’un stress hydrique par exemple, l’application de biostimulants entraine plusieurs réactions physiologiques de prévention, en particulier la fermeture partielle des stomates* (réduction de la perte hydrique) et l’augmentation de la croissance racinaire (nécessaire pour aller chercher l’eau en profondeur).
*Définition : les stomates
Le flux d’eau et de nutriments se fait depuis les racines jusqu’aux feuilles. Des éléments clés de la plante s’y trouvent : les stomates. Ce sont des petits trous sur les feuilles qui laissent sortir l’eau, et passer l’air dans les deux sens. La sortie d’eau est le moteur de l’absorption racinaire, qui se fait comme par aspiration.
Bien nourrir sa plante pour qu’elle résiste mieux au stress : le rôle du potassium en cas de stress hydrique
La nutrition de la plante est très importante pour répondre aux stress :une plante initialement en carence d’un élément sera plus sensible face à un stress. Ses racines peuvent être moins développées par exemple.
Il a été démontré que le potassium joue un rôle central dans la réponse au stress hydrique.
L’hormone ABA (acide abscissique) est un déclencheur de diverses voies d’adaptation pour la plante à un stress. Sans elle, la réponse au stress hydrique est moins efficace.
Sans potassium (- K sur le graphique ci-contre) et en situation de stress, la plante produit moins de cette hormone par rapport à une situation avec du potassium (+ K). La bonne nutrition potassique est donc importante pour une réponse efficace au stress hydrique.
De plus, le potassium joue un rôle dans la régulation de l’ouverture et de la fermeture des stomates, acteurs clé dans la réaction de la plante au stress hydrique.
Face à l’accroissement des risques de stress hydrique et thermique, augmenter la résilience des cultures par des adaptations à court et long terme est essentiel pour continuer à produire en quantité et en qualité.
Que faire pour diminuer la sensibilité de votre culture aux stress et augmenter sa résilience ?
– avancer les dates de semis pour que la plante ne soit pas à son stade le plus sensible en période critique, en espérant que la sécheresse et la canicule ne soient pas trop précoces, et qu’il n’y ait pas de gelée tardive,
– choisir des variétés plus tolérantes à ces stress pour une adaptation sur le long terme,
– appliquer des biostimulants pour aider la plante à faire face à ces stress en stimulant des mécanismes biologiques de la plante : cette adaptation permet de conserver des rendements à court terme.
Pour clore cette mini-série de trois articles, nous espérons avoir pu vous apporter de nouvelles idées et informations pour lutter contre les stress hydriques et thermiques.
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